En Occident, cet art millénaire traditionnellement associé aux arts martiaux est en passe d’acquérir une véritable reconnaissance en tant que soin de support.
Aspet, un village au pied des Pyrénées : par un matin de fin d’été, une soixantaine de personnes se livrent à une marche cadencée : « Qi, Qi, Hu – Qi, Qi, Hu » : Deux inspirations rapides suivie d’une expiration plus longue, le tout coordonné à un mouvement balancé des jambes et des bras et à une gestuelle des mains. « Qi, Qi, Hu – Qi, Qi, Hu… » : les visages sont détendus, parfois intériosés. Le rituel se poursuit pendant quinze minutes.
Au signal de leur instructeur les pratiquants s’immobilisent. Puis, sur une inspiration ample, ils lèvent les mains au ciel avant d’expirer en les laissant redescendre lentement jusqu’à la poitrine puis au ventre. Ainsi se clôture la première des quatre « marches contre le cancer ». Après la marche de purification du poumon, ils en effectueront trois autres au cours du stage dans le but d’oxygéner le cœur, la rate et le foie puis le rein.
Durée : entre 50 minutes et 1h15. Posologie : tous les jours. Le résultat à long terme est à ce prix. Appelées Qi, Qi, Hu (prononcer shi, shi, hou) en Chine où elles ont connu une grande popularité à partir des années 1970, les « marches contre le cancer » ont été créées par Madame Guo Lin. Atteinte d’un cancer métastasé, cette artiste née en 1909 se souvint du Qi Gong, la gymnastique traditionnelle chinoise, que son grand-père lui avait transmise lorsqu’elle était enfant. Trop faible pour pratiquer la forme classique, elle mit alors au point une gestuelle adaptée à son état.
A la date prévue de son décès, le cancer avait disparu…
Alors que la médecine lui donnait seulement six mois à vivre, la malade pratiqua assidument son Qi Gong personnel deux heures par jour. Le but : saturer ses tissus en oxygène par le mouvement afin de priver le cancer de son milieu favorable : des tissus sous-oxygénés.
Six mois plus tard, à la date prévue de son décès, ses lésions cancéreuses avaient disparu… Guo Lin passa les vingt années suivantes à transmettre le Qi, Qi, Hu.
A la mort du président Mao Zedong, le « Nouveau Qi Gong » attira l’attention des média chinois. Rapidement, plusieurs centaines de personnes vinrent chaque jour s’initier auprès de la survivante dans les jardins publics de Pékin.
En 1984, ils étaient plus d’un million à pratiquer dans des jardins publics, des hôpitaux, des institutions ou des associations. Parmi ses élèves, le docteur Liu Dong, diplômé de la faculté de médecine de Pékin, mena diverses recherches afin de valider les effets du Qi Gong puis il l’exporta en Occident.
Aujourd’hui, cet art ancestral est l’une des pratiques phares en soin de support auprès de patients atteints de diverses pathologies dont le cancer. Parmi ses bénéficiaires, Catherine Schollaert, quarante-six ans et rescapée d’un cancer du sein est l’auteure d’un livre, « Face à l’ennemi invisible », dans lequel elle relate son parcours de guérison.
Sauvée par le Qi Gong ? « En partie », admet cette professeure de piano qui en 2008, à trente-huit ans a reçu le diagnostic de cancer du sein. Refusant au départ le protocole conventionnel associant chimiothérapie et radiothérapie elle mise tout sur les arts internes qu’elle connait.
Mais en novembre 2009, de nouveaux examens médicaux confirment : « Le cancer est de nouveau là, mais au grade 3 ». Elle se résout alors au traitement conventionnel, convaincue que sa pratique va la soutenir. Pour mettre toutes les chances de son côté, elle se rapproche du Dr Liu Dong auprès duquel elle entreprend une formation au Qi Gong thérapeutique.
Cette double approche sera gagnante. Catherine Schollaert répond particulièrement bien au traitement, malgré des effets secondaires lourds et surtout, maintient un niveau d’énergie étonnamment élevé, montrant par exemple une résistance hors norme aux infections hivernales. Aujourd’hui considérée comme guérie, elle s’applique à transmettre le fruit de son expérience…
D’anciens malades enseignent le Qi Gong thérapeutique
En Europe comme en Chine, nombreux sont les anciens malades à enseigner différentes formes de Qi Gong, tels Jean-Paul Dutrey qui attribue sa guérison à une pratique assidue. En l’an 2000, atteint d’un cancer métastasé, il subit une ablation chirurgicale du rectum.
Refusant les traitements lourds et se contentant d’un minimum de médicaments, il choisit la voie de la méditation zen, de la médecine traditionnelle chinoise et du Qi Gong qu’il a découvert de nombreuses années auparavant.
Quotidiennement, il s’emploie à restaurer l’énergie des reins, mise à mal par la maladie grâce à la posture de l’arbre. Commune à divers arts internes traditionnels chinois, cette posture est couramment pratiquée pour développer l’énergie interne des reins et du ventre. « Cette énergie devient alors le Qi (l’énergie vitale) de guérison. Autrement dit, les défenses naturelles. Par cette posture mais également par d’autres exercices de Qi Gong spécifiques, j’ai pu restaurer le « vide des reins » causé par les écoulements sanguins de la tumeur et les diarrhées à répétition liées à l’ablation du rectum. »
Auteur lui aussi d’un ouvrage de conseils où il expose le fruit de son expérience,« Le rugissement du tigre face au cancer », Jean-Paul Dutrey est devenu enseignant d’un Qi Gong thérapeutique.
De plus en plus recommandé par les centres anticancéreux
Côté science, après avoir fait l’objet en Chine de nombreuses études médicales dans les années 1980, le Qi Gong a commencé à intéresser les chercheurs occidentaux.
En 2003 une étude du Dr David Spiegel de l’Université de Stanford, concluait que le Qi Gong accroît l'énergie chez 58 % des cancéreux, diminue le stress chez 78 %, la douleur chez 22 % et favorise un meilleur sommeil dans 43 % des cas.
En mars 2015 dans sa thèse de médecine ayant pour titre « Exercice physique et progression du cancer de la prostate », Jordan Guéridat s’est livré à une revue de la littérature au sujet des effets de l’activité physique en général :
« Au cours de cette dernière décennie, il a été démontré qu’un exercice physique régulier et bien conduit pouvait diminuer le risque de cancer, son évolution et sa rechute, tout en contrôlant les troubles associés comme la fatigue, la détresse psychologique, la prise de masse grasse, la perte de force musculaire et la qualité de vie ».
Plusieurs études citées par le thésard attestent en effet qu’une activité physique régulière d’endurance réduit durablement l’inflammation et le stress oxydatif, connu comme facteur favorisant le cancer.
L’une d’elle démontre même que les cytokines produites par un exercice musculaire inhibent la croissance des cellules cancéreuses lors d’un cancer du sein.
« L’activité physique aurait également une influence positive sur la réduction de l’IGF1, un facteur de croissance favorable au cancer », conclut Jordan Guéridat.
Autant de bienfaits partagés par le Qi Gong qui possède comme avantage d’être accessible même aux personnes affaiblies. Du côté hospitalier, l’incitation à la pratique n’est pas systématique mais de plus en plus recommandée par les centres anticancéreux.
C’est ainsi que l’Institut Gustave Roussy, centre régional de lutte contre le cancer de Villejuif, offre plusieurs cours hebdomadaires d’arts énergétiques orientaux dont le Qi Gong dans son département de soins de support.
A l’hôpital Georges Pompidou de Paris, un réseau associatif assure des soins oncologiques de support aux personnes malades sur prescription médicale. Au programme on trouve entre autres l’homéopathie, l’acupuncture et le Qi Gong.
Plusieurs hôpitaux dont l’hôpital de la Pitié Salpétrière à Paris, proposent un enseignement de Qi Gong thérapeutique. Le professeur Yves Baumelou qui y dirige un Centre intégré de médecine chinoise plaide pour « une véritable évaluation de son efficacité, seul moyen de lui conférer toute sa légitimité ».
Quatre questions au Dr Yves Réquéna, médecin et enseignant de Qi Gong
Auteur de nombreuses publications et livres grand public sur la médecine traditionnelle chinoise, l’acupuncture et le Qi Gong, Yves Réquéna est enseignant et fondateur de l’Institut Européen de Qi Gong.
Que peut-on attendre du Qi Gong face au cancer ?
Tout d’abord, une prévention. Pas seulement contre le cancer mais contre les maladies en général. Si l’on est malade, le Qi Gong apporte une meilleure résistance au stress psychique fatigue et stimuler le système immunitaire. Après traitement, quand les personnes constatent les effets positifs du Qi Gong, cela devient souvent un mode de vie.
Une reconnaissance officielle donc ?
En Chine, l’oncologie intégrée est la norme. En cas de cancer, il est habituel de se voir proposer un traitement classique, des remèdes naturels de la pharmacopée chinoise et une pratique de Qi Gong. C’est à mon avis l’approche de l’avenir. En Occident, on assiste à un début d’engouement du monde médical. En Allemagne et en Suisse, le Qi Gong est en cours de validation en milieu hospitalier. En France, depuis cinq ans, cet art a vraiment pris de l’importance. Et dans de nombreuses villes, la Ligue contre le cancer propose des cours aux malades.
Comment se repérer parmi les nombreux Qi Gong ?
Il existe en effet 18 000 Qi Gong différents. Certains sont plus adaptés aux personnes âgées, aux enfants, aux sportifs, aux malades, etc. Chaque école a ses méthodes. La forme est différente mais le principe est le même. Un bon enseignant doit savoir interpréter les réactions éventuelles à une pratique intensive et savoir adapter le Qi Gong en fonction de l’état de santé du pratiquant. Il n’incite pas les pratiquants à lâcher les traitements médicaux. Ces conditions réunies, le choix de tel ou tel Qi Gong est secondaire.
Comment tirer le meilleur parti du Qi Gong ?
En pratiquant régulièrement et même quotidiennement pendant un minimum d’une demi-heure voire une heure. Ensuite, il faut se choisir un programme et s’y dédier pendant plusieurs mois sans en changer. C’est là que le Qi Gong offrira les plus beaux fruits. Le résultat n’est pas proportionnel à la virtuosité du pratiquant.
Pourquoi garder toujours le même programme ?
Répéter le même Qi Gong crée un frayage dans le cerveau et ouvre des routes énergétiques permettant la mise en circulation du Qi (l’énergie vitale) dans le corps. Répéter pendant au moins six mois les mêmes mouvements peut avoir des effets spectaculaires.
3 livres avec DVD pour s’initier
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A la découverte du Qi Gong, par Yves Réquéna, Guy Trédaniel 2008. Livre d’initiation incluant la posture de l’arbre et différents mouvements et respirations.25,25 €.
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Qi Gong des 12 méridiens, par Yves Réquéna, Guy Trédaniel 2013. Plus « physique » que les autres, ce Qi Gong améliore la souplesse et équilibre l’énergie des méridiens. 24,90 €.
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Face à l’ennemi invisible : Témoignage d’Hsia Kay Lin, alias Catherine Schollaert, publié à compte d’auteur avec un DVD expliquant ses pratiques. 23 €. Contacter l’auteur : catherine.schollaert@gmail.com
La position embrasser l’arbre
•En position debout, pieds écartés légèrement de manière à être confortable, bassin relâché, calmez votre respiration et prenez conscience de votre corps.
•Fléchissez les genoux de façon à amener la rotule dans l’axe vertical des orteils.
•Monter les bras à hauteur de la poitrine, paumes dirigées vers vous
•Vos bras forment un cercle avec les paumes en face de votre poitrine.
•Vous devez avoir un axe vertical du corps parfait. La colonne vertébrale doit être droite. N’hésitez pas à vous mettre de profil à l'aide d'un un miroir pour pouvoir vérifier.
•Enracinez-vous en laissant tomber votre poids. 70% de votre poids doit se situer sous votre bassin. Avec la puissance de votre esprit, imaginez des racines plonger dans le sol à partir de vos pieds, solidement ancrés. Ces racines plongent le plus profond que vous autorise votre imagination.
•Concentrez-vous sur l’idée d’avoir une grosse boule d’énergie au creux des bras et unepetite entre les mains.
•Tout le haut du corps est détendu et votre langue touche le haut du palais.
•Tenir la position pendant 10 minutes si possible puis, rapprocher le pied gauche du pied droit et ramener vos mains vers votre plexus solaire en imaginant ramasser l’énergie accumulée, main gauche en premier, l’autre par dessus pour les hommes. L’inverse pour les femmes.
Emmanuel Duquoc
Alternatif Bien-Etre - Novembre 2015
Références :
The Cancer Supportive Care Program (CSCP) at Stanford's Center for Integrative Medicine : Program Development and Evaluation. D. Spiegel, MD et coll., Abstract for the 39th American Society of Clinical Oncology, 31 mai – 3 juin 2003, Chicago, IL (É.U.).
O.C. Simonton et al., Getting Well Again (Los Angeles: J. P Tarcher, 1978). 8. Wang Chong-xing et al. in First World Conference for Academic Exchange of Medical Qi Gong, 1988, 85.
Lee MS, Chen KW Sancier KM, Ernst E. Qigong for cancer treatment: a systematic review of controlled clinical trials. Acta Oncol. 2007;46:717-722.
Lee TI, Chen HH, Yeh ML. Effects of chan-chuang qigong on improving symptom and psychological distress in chemotherapy patients. Am J Chin Med. 2006;34:37-46.
Oh B, Butow P, Mullan B, Hale A, Lee MS, Guo X, Clarke S.A Critical Review of the Effects of Medical Qigong on Quality of Life, Immune Function, and Survival in Cancer Patients. Integr Cancer Ther. 2011 Jun 28. [Epub ahead of print]
Yan X, Shen H, Jiang H, Hu D, Zhang C, Wang J, Wu X. External Qi of Yan Xin Qigong Induces apoptosis and inhibits migration and invasion of estrogen-independent breast cancer cells through suppression of Akt/NF-kB signaling. Cell Physiol Biochem. 2010;25(2-3):26370. Epub 2010 Jan 12.
Oh B, Butow P, Mullan B, Clarke S, Beale P, Pavlakis N, Kothe E, Lam L, Rosenthal D. Impact of medical Qigong on quality of life, fatigue, mood and inflammation in cancer patients: a randomized controlled trial. Ann Oncol. 2010 Mar;21(3):608-14. Epub 2009 Oct 30.
Oh B, Butow P, Mullan B, Clarke S. Medical Qigong for cancer patients: pilot study of impact on quality of life, side effects of treatment and inflammation. Am J Chin Med. 2008;36(3):459-72.