1. Le corps
Il faut tout d’abord savoir que la position debout est considérée comme la plus naturelle, l’homme étant bipède il se tient debout. Par leur emplacement dans le corps, les organes internes sont fixés aux os, le sang circule donc de façon optimale dans cette position, à l’inverse d’un cheval ou d’un chat qui se déplace à 4 pattes.
Ceci étant, pour garder son corps en bonne santé c’est-à-dire prévenir l’apparition des déséquilibres et soigner certaines maladies, l’homme doit faire de l’exercice : marche, course à pied, natation, etc.
L’exercice en position debout, qu’on nomme zhan zhuang gong ou simplement zhuang gong, est une forme particulière d’exercice que l’homme peut pratiquer pour renforcer sa santé: les 2 côtés du corps vont ainsi rééquilibrer leur force, à gauche et à droite. Cet équilibre est souvent perdu à l’âge adulte en raison de mauvaises positions et cela crée des troubles corporels qui passent souvent inaperçus mais qui participent au mal-être physique et mental global. Grâce à cette pratique, la force corporelle s’équilibre donc mieux et le sang circule plus efficacement: les organes internes s’en trouvent « énergisés » et massés par la respiration qui s’approfondit en s’abaissant des poumons vers le bas-ventre (respiration abdominale), les muscles se détendent et le système tendineux est bien sollicité.
Cet exercice est une forme de Qi Gong statique, par opposition aux pratiques en mouvement comme le taijiquan. Cela dit, la position « statique » est plutôt dans l’apparence extérieure, car des micros-mouvements se produisent spontanément dans le fonctionnement corporel et comme les articulations sont pliées à un certain degré, une légère sudation peut se produire, ce qui participe au relâchement et à la sensation générale de bien-être.
Après un temps de pratique, qui peut être de plusieurs jours, de plusieurs mois voire de plusieurs années, le système nerveux est positivement renforcé. La résilience du corps s’améliore, on lutte plus facilement contre la fatigue générale et les effets du stress.
2. L’esprit
Le zhuang gong, en plus d’être un excellent exercice physique, est également une forme de méditation debout. En effet, en gardant une position en apparence immobile on va pouvoir concentrer son esprit sur un « objet » de méditation (un objet physique comme une photo, un arbre ou un objet mental comme une visualisation).
Concernant l’esprit, cette pratique debout présente les mêmes avantages que la méditation assise telle qu’on la pratique dans le bouddhisme, mais elle a l’avantage de travailler aussi sur le corps, ce qui n’est pas le cas de la méditation assise.
Avec une pratique qui va s’installer dans le temps et des visualisations précises, le mental va progressivement arriver à un état de calme et de quiétude, cela va permettre de calmer les émotions trop fortes et de développer un état d’esprit positif. Tout cela va participer à l’amélioration globale de la vie, à travers un bien-être et une sensation générale de détente ; l’énergie vitale circule bien. Cela s’inscrit donc pleinement dans le travail cognitif et le développement personnel.
La posture WUJIwuji
La première position qu’on va pratiquer est la posture « Wuji ». On la retrouve dans toutes les formes de taijiquan, au commencement de l’enchaînement.
« Wuji » est un terme qu’on retrouve dans le Yi King, sous la forme d’un cercle vide. Il représente dans la cosmogonie chinoise le moment où l’énergie n’est pas encore séparée en yin/yang. Elle possède donc tout son potentiel et représente l’unité fondamentale de l’être.
Posture Wuji: Description de l’exercice
C’est la posture debout de départ, qui sert de base aux suivantes. Les bras ne sont pas levés, ce qui est plus aisé.
On utilise cette posture pour cultiver le principe vital. On va se placer dans une disponibilité intérieure, tant physique que mentale, qui va nous aider à nous harmoniser avec l’extérieur, l’environnement. Faites en sorte de vous détendre et de respirer doucement.
1. Le placement des pieds
Votre posture doit être légère, soyez à l’aise. Tenez-vous debout, les pieds bien à plat et écartés de la largeur soit des hanches, soit des épaules, choisissez ce qui vous semble le plus stable et là où vous êtes le plus à l’aise. La posture correcte deviendra évidente et naturelle avec le temps.
Gardez les pieds parallèles ou le haut des pieds très légèrement ouvert. Les genoux doivent être légèrement fléchis et les pieds si possible parallèles.
Imaginez que vous êtes assis sur un gros ballon de plage ou un tabouret de bar, les genoux légèrement fléchis.
2. Position de la colonne vertébrale
Votre coccyx doit être perpendiculaire au sol sans s’incliner en arrière, mais sans forcer la position qui doit rester détendue. Le bas du dos, du coccyx aux vertèbres lombaires incluses, doit rester relativement droit. La colonne vertébrale a la forme d’un « s » avec des courbures en bas, au milieu et en haut. Ici, on redresse sa partie inférieure.
La colonne vertébrale se redresse en rentrant en douceur les hanches dans l’alignement, et en rentrant légèrement les fesses. On n’emploie aucune force ici, on fait tout cela en légèreté. Le reste du dos ne doit pencher ni sur les côtés, ni en avant, ni en arrière.
3. Position du cou et de la tête
Comme le stipule un des Classiques du taijiquan : « Une énergie intangible arrive au sommet de la tête ». Le cou et la tête restent bien droits, on imagine que le sommet de la tête est suspendu (comme si on était une marionnette). La nuque sort légèrement et le menton n’est pas levé (on peut imaginer tenir une balle légère entre le menton et la base du cou).
En ayant une position bien verticale, l’énergie « Qi » va pouvoir bien circuler entre le haut et le bas du corps, on imagine une ligne qui part du sommet de la tête jusqu’au périnée et on maintient cette ligne à la verticale. Cette ligne est le méridien central « Zhong maï » qui relie la « Porte du Ciel Bai Hui » (le sommet de la tête) à la « Porte de la Terre Hui Yin » (le point situé au centre du périnée).
Positionner la tête de cette façon étire la moelle épinière, ne comprime pas et ne désaxe pas les vertèbres cervicales.
En Qi Gong, on n’utilise jamais la force dure, seulement la souplesse, donc il faut s’assurer de ne pas créer de tensions ou raideurs dans la mâchoire, le cou, la tête ou les épaules.
4. Les yeux et la langue
Je vous recommande de pratiquer les yeux fermés pour faciliter la concentration sur ce qu’il se passe à l’intérieur. Toutefois, s’il vous est trop difficile de vous détendre ou de vous concentrer au départ, alors on gardera les yeux ouverts mais l’attention sera tournée sur les sensations à l’intérieur du corps.
Dans l’idéal, le bout de la langue doit toucher le palais, derrière les dents de devant. Cet endroit représente le point de contact des principales énergies corporelles yin et yang.
5. Le placement de la poitrine
La poitrine doit être « han xiong », c’est-à-dire qu’on la laisse s’affaisser et s’arrondir en douceur. On va avoir la sensation que la colonne vertébrale « sort » en arrière légèrement. Cela rejoint l’idée taoïste que le corps doit être aussi relâché que celui d’un bébé (au commencement de la vie, le bébé possède un corps relâché et une grande vigueur, qui disparaît lors de la croissance) ; la posture ressemble donc à celle d’un bébé, la poitrine très détendue, les épaules tombantes et le ventre rond, affaissé et relaxé (mais on exagère pas non plus).
La poitrine de type « militaire » avec le ventre rentré et les pectoraux gonflés est donc exactement l’inverse ce qu’on recherche.
5. Le placement du dos et des bras
Du fait que la poitrine est relâchée et que le dos sort légèrement, les omoplates vont pouvoir garder leur place naturelle en restant écartées, les épaules arrondies vers l’avant.
Lorsque le dos se redresse et que les omoplates s’écartent, cela offre un massage interne aux organes amplifié par la respiration qui va descendre dans l’abdomen (le dan tian inférieur).
Les épaules vont donc rester détendues et naturellement arrondies, les bras aussi vont pendre sur les côtés du corps en restant détendus, ce qui va avoir pour effet de relâcher le coudes, les poignets et les mains.
7. Le rôle du mental
Le rôle du mental va être très important dans la pratique ; en effet, on va utiliser l’intention (le Yi) et des images mentales agréables, positives, pour aider à la détente du corps. Comme le dit un dicton chinois : « lorsque l’esprit se détend, le corps se détend et lorsque le corps se détend, l’esprit se détend lui-aussi ». En Chine, corps et esprit ne sont pas séparés comme en occident et on se sert de cette inter-dépendance pour améliorer la santé de façon globale.
On va donc se visualiser dans un bain d’eau chaude, ou sous un arbre dans une forêt ; l’important est de trouver des images mentales qui sont adaptées à votre personnalité.
Le temps de pratique varie de 5 mn au départ jusqu’à une durée maximale de 20 mn avec le temps. Respectez votre rythme et votre envie, tout en gardant une certaine assiduité si vous voulez sentir une progression et une amélioration de votre bien-être.
L’idéal est de pratiquer quotidiennement ; si cela vous est impossible, pratiquez le plus souvent possible dans la semaine.
En savoir plus sur https://therapeutesmagazine.com/posture-de-meditation-debout-yang-sheng-therapie-energetique-chinoise-1ere-partie/#FmPyRDTEFHyBcIOs.99
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La posture de méditation debout dans le « YANG SHENG » (2ème partie)
Dans un précédent article, j’ai présenté le travail de méditation debout, avec ses caractéristiques particulières concernant le corps et l’esprit.
Cette présentation s’appuie sur l’enseignement de mes maîtres, tout d’abord Jung Yung-Hwan dont l’approche qu’il nomme « Sun » est la fondation de ma pratique et de mon propre enseignement ; mon second maître est Guo Guizhi, 3ème génération du yiquan-dachengquan, dont les stages particuliers et collectifs intensifs que j’ai pu suivre à ses côtés m’ont profondément influencé et permis d’approfondir ma base.
Je n’ai bien évidemment pas atteint leur excellence, mais la base de travail présentée ici servira aux débutants, seuls ou non, ainsi qu’à ceux qui voudront intégrer d’autres aspects dans leur pratique personnelle.
A. Le corps et l’esprit
Les caractéristiques concernant le corps et l’esprit sont identiques à la première partie. On doit respecter les principes d’alignement, de placement et de détente du corps. Ce qui est présenté dans la première posture Wuji est repris ici dans la pratique de la seconde posture. De ce fait, je ne redonne pas les descriptions ici et vous renvoie au premier article.
Concernant l’esprit, on va distinguer 2 aspects, déjà présents dans le premier article, mais dont l’importance est accrue ici. En effet, la posture Wuji est celle qui va servir à débuter une pratique de méditation debout et l’accent est surtout mis sur le relâchement du corps et de l’esprit. La position du corps est précise mais pas trop exigeante physiquement, le rôle du yi (intention) est principalement axé sur la détente.
Dans cette seconde partie, la position est plus exigeante physiquement et va engranger plus de fatigue ainsi qu’une dépense d’énergie accrue. Cela va surtout apparaitre au début, car rapidement avec l’habitude le corps va gagner en force interne et en équilibre, affinant les sensations et renforçant durablement la santé. Le rôle du yi va également gagner en importance puisque les visualisations qu’on va employer vont intensifier la concentration et la « pleine-présence ».
B. Posture « Fu tuo shi »
Présentation
Dans l’article précédent, j’ai présenté la base de la pratique à travers la posture Wuji (ou wuji zhuang).
Ici, nous allons parler de la seconde position, Fu tuo shi (ou fu tuo zhuang). Lors d’une session de pratique, il est soit possible de débuter avec la position Wuji pendant la moitié du temps et de passer à Fu Tuo Shi, soit si vous êtes plus à l’aise de faire quelques minutes Wuji et de baser l’entraînement sur Fu Tuo Shi.
Après quelques temps, souvent quelques mois, vous pouvez baser votre pratique uniquement sur cette position, le corps étant habitué à la posture. Cela relèvera à ce moment-là de votre ressenti et choix personnel.
扶 fú : soutenir avec les mains
托 tuo : tenir avec les paumes
Le nom de la posture décrit donc le mouvement.
2. Description de l’exercice
zhuang gong bas
La position du corps est la même que dans la posture Wuji : les pieds sont parallèles (ou les pointes légèrement en ouverture, écartés de la largeur des épaules ou des hanches). On assoit le bassin comme sur un grand tabouret ou un gros ballon, le haut du corps reste droit, on ne sort pas le ventre exagérément mais celui-ci reste détendu.
On garde la colonne vertébrale assez droite en étirant avec légèreté et détente le coccyx vers le bas tandis qu’on pousse le sommet de la tête vers le haut. Le menton ne se retrouve du coup pas levé, le regard se concentre vers devant et l’intérieur du corps. Si on n’est pas stable, qu’on est fatigué ou faible, on évitera de fermer les yeux. Il vaut mieux être familier de la pratique pour cela. On ne bombera pas la poitrine et donc on laissera légèrement sortir les omoplates.
On est assis et les genoux ne dépassent pas la pointe des pieds. On fait en sorte de répartir le poids du corps à 50% de chaque côté, les pieds « saisissant » légèrement le sol.
Les 2 mains sont au niveau du nombril, les coudes tirés vers l’extérieur et les épaules détendues. Les paumes sont tournées vers soi et vers le haut, comme si on portait un ballon ou un objet léger. Les bras sont en demi-cercle. Les doigts se font face et la distance entre les 2 mains est d’environ 20 cm.
Utilisation du yi (intention) :
Le corps est léger comme s’il flottait ou qu’on se trouve dans l’eau et qu’on se laisse porter par les vagues. On soutient un ballon et tout le corps s’ouvre. On sourit intérieurement en restant dans la tranquillité et la quiétude. On va éviter de focaliser et on va rester à l’écoute de l’environnement (on relie l’intérieur et l’extérieur). De ce fait, il vaut mieux pratiquer dans un endroit calme.
3. L’aspect thérapeutique
Cette position est bonne car elle n’est pas extrême. En effet, lorsqu’on va ouvrir les bras et les épaules, la cage thoracique va également s’ouvrir et la respiration va devenir plus efficace et profonde, notamment car le diaphragme va pouvoir jouer son rôle sans être entravé. Du coup cela va favoriser la descente dans l’abdomen et permettre de concentrer le Qi dans le dantian.
Le fait d’ouvrir les bras, les épaules et la poitrine va nous permettre de prendre conscience des tensions qui se situent dans le haut du corps et de progressivement les éliminer. Le fonctionnement des organes internes, par l’intensification de la respiration et des battements du cœur, va être optimisé et renforcé.
La position du bas du corps assise renforce les muscles et tendons des jambes sans faire d’efforts excessifs, ce qui est favorable à tous ceux qui ne peuvent pas faire de sports intensifs ou qui cherchent autre chose de plus naturel et de plus respectueux pour le corps.
En restant détendu, ouvert à la fois à l’extérieur et à nos sensations, l’esprit va pouvoir se « poser » et s’établir dans le moment présent. Chaque fois que des pensées vont arriver, et elles seront nombreuses au début, on va revenir sur le corps. L’aspect méditatif va se développer ainsi.
Conclusion
Les personnes débutantes peuvent commencer par la posture Wuji et se concentrer dessus durant 3 à 6 mois. Par la suite, si on est à l’aise dans la pratique, on va pouvoir répartir notre entraînement dans les 2 postures ; on commencera par Wuji et on enchaînera par Fu Tuo Shi, la position du corps restant la même, seuls les bras changent de position.
Pratiquez sans forcer, sans trop vous contraindre et cherchez le plaisir et le bien-être avant tout.
Je recommande 20 minutes de pratique comme durée standard ; dans ce cas, on peut faire 10 minutes la posture Wuji et passer à 10 minutes de posture Fu Tuo Shi. Si vous ne pratiquez que 10 minutes, faites 5 minutes de Wuji et 5 minutes de Fu Tuo shi et ainsi de suite.
Les personnes qui ont beaucoup de temps et qui ne sont pas débutantes peuvent pratiquer maximum 1h par jour ; personnellement, je recommande une pratique régulière de 30 minutes, car cette durée permet de progresser régulièrement et en profondeur sans se décourager.
Grégory Cros
Expert Qi Gong et Taijiquan