LES LABOS ET LES MEDECINS Tout vous aurez tout sur les pratiques : les études montrent que les cadeaux ont un impact sur le comportement et la prescription des médecins. Ainsi jouer le jeu de la réciprocité
« Des initiatives contre l'influence des laboratoires pharmaceutiques à l'hôpital » Pierre Bienvault indique en effet dans La Croix qu’« un syndicat d’internes vient de lancer une campagne pour dénoncer les «repas gratuits» offerts par l’industrie à des étudiants en formation à l’hôpital. Depuis plusieurs années, des initiatives sont prises pour contrecarrer la stratégie marketing des laboratoires auprès des futurs médecins », observe le journaliste.
Il explique ainsi que « diffusée sur les réseaux sociaux, [cette campagne] invite les carabins à refuser les «repas gratuits» de l’industrie lors de rencontres visant à assurer la promotion de ses produits ». Matthieu Thomazo, de l’Isnar-IMG, précise : « Nous ne sommes pas anti-labos. Nous estimons juste que les firmes ne doivent pas avoir la moindre influence sur notre formation ».
Pierre Bienvault note que « depuis longtemps, les laboratoires ont mis en place diverses stratégies pour nouer des liens, si possible durables, avec ces futurs prescripteurs que sont les carabins. Avec d’abord la volonté d’apparaître comme des partenaires naturels, «fréquentables» et toujours prêts à rendre service. Notamment en finançant les congrès annuels des associations d’étudiants. «Mais désormais, on ne touche plus rien des labos», assure-t-on, tant à l’Isnar-IMG qu’à l’association des étudiants en médecine de France (Anemf) ».
Le journaliste relève en outre que « jusqu’à récemment, Sanofi a aussi financé le «concours blanc», précédant les épreuves classantes nationales (ECN), un examen crucial qui décide de l’affectation des futurs internes ».
Paul Scheffer, docteur en sciences de l’éducation, remarque que « c’était un excellent moyen de repérer les éléments les plus prometteurs ».
Pierre Bienvault indique que « l’enjeu, pour les firmes, est de «recruter» le plus tôt possible les futurs «leaders d’opinion», c’est-à-dire ces professeurs qui, demain, auront de l’influence au sein de la profession ou dans les médias ».
Le Dr Jean-Sébastien Borde, président du Formindep, « association très engagée dans la prévention des conflits d’intérêts », souligne : « Il n’est pas rare de voir des firmes proposer à un interne une bourse pour financer sa thèse ou de l’aider à participer à des congrès à l’étranger. Cela flatte l’ego de l’interne de voir qu’on s’intéresse à son potentiel, tandis que le labo mise sur le fait qu’une fois devenu un leader d’opinion, celui-ci jouera le jeu de la réciprocité ».
Pierre Bienvault relève que « cette influence s’exerce aussi au sein des hôpitaux, où les internes passent beaucoup de temps pour assurer leur formation pratique. Et c’est souvent lors des «staffs» que la parole des firmes s’exprime le plus largement. Il s’agit de petits-déjeuners ou de repas durant lesquels un représentant d’une firme vient parler de telle ou telle pathologie et, évidemment, des «médicaments-maison» permettant de la traiter au mieux ».
Le journaliste observe que « souvent présentés comme des réunions de formation, ces «staffs» sont organisés avec l’accord du chef du service qui n’apprécie pas toujours que des internes brandissent leur déontologie pour refuser d’y participer ».
Le Dr Borde explique qu’« un des principaux mécanismes d’influence est le conformisme et la difficulté pour un individu isolé de contester ce qui apparaît comme la norme. C’est vraiment très difficile pour un interne de refuser de participer à ces réunions. Il va devoir se justifier, dire que tout cela n’est pas forcément conforme aux bonnes pratiques de la science. Ce qui revient à dire à son chef qu’il ne respecte peut-être pas ces bonnes pratiques… ».
Pierre Bienvault constate ainsi que « dans l’univers très hiérarchisé de l’hôpital, les internes qui refusent de manger aux frais des labos sont souvent vus comme des «donneurs de leçons» bien péremptoires ».
Matthieu Thomazo souligne quant à lui que « tous ceux qui participent à ces staffs sont persuadés que ce ne sont pas quelques petits fours qui vont influencer leur jugement. Or, de nombreuses études ont montré que même de petits cadeaux avaient un impact sur le comportement et la prescription des médecins ».
Pierre Bienvault rappelle qu’« en 2016, le Formindep a publié un classement des facs de médecine tenant compte des mesures pour assurer la prévention des conflits d’intérêts. Les résultats peu flatteurs ont incité les doyens à élaborer, en 2017, une charte des bonnes pratiques ».
Le Dr Borde remarque cependant qu’« un deuxième classement que nous avons publié en 2018 montre que cette charte reste trop peu appliquée ».
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